La pénoplastie par acide hyaluronique, ou augmentation pénienne par injection de produit de comblement, s’impose dans le paysage de la médecine esthétique comme une demande croissante. Pourtant, son statut réglementaire reste singulier: dans la très grande majorité des cas, l’utilisation d’acide hyaluronique (AH) au niveau génital masculin n’est pas prévue par le marquage CE des dispositifs concernés. En d’autres termes, il s’agit d’un usage off-label. Pour les professionnels de santé libéraux, cette réalité appelle une vigilance accrue sur les plans réglementaire, déontologique, assurantiel et clinique. L’enjeu: concilier la réponse à une demande sociétale avec la primauté de la sécurité du patient, l’information loyale et la maîtrise du risque médico-légal.
Les comblements à base d’acide hyaluronique relèvent en France du régime des dispositifs médicaux et, sous l’empire du Règlement (UE) 2017/745, ont vu se renforcer les exigences de qualité, de vigilance et de traçabilité. La pénoplastie par AH s’inscrit cependant, dans la plupart des référentiels fabricants, hors des indications prévues. L’off-label pour un dispositif médical ne signifie pas ipso facto interdiction, mais engage directement la responsabilité du praticien, tenu de justifier d’un bénéfice/risque favorable, d’une compétence avérée, d’un plateau technique adapté et d’une traçabilité complète (marque, lot, date d’expiration).
Conformément aux principes généraux posés par les autorités sanitaires, l’usage de dispositifs médicaux en pratique esthétique nécessite:
Le Code de déontologie médicale (intégré au Code de la santé publique) impose que le médecin n’entreprenne ni ne poursuive des actes insuffisamment éprouvés ou qui feraient courir un risque disproportionné. Dans le cadre d’une pénoplastie par acide hyaluronique:
La responsabilité civile professionnelle peut être engagée en cas de dommage imputable à une faute (indication inadaptée, manquement à l’asepsie, geste non conforme aux bonnes pratiques, absence d’information, défaut de suivi). La responsabilité pénale peut l’être en cas de mise en danger, de blessures involontaires ou de tromperie, notamment si l’information sur la nature off-label, les risques et l’incertitude des résultats n’a pas été délivrée. Sur le plan disciplinaire, un manquement aux règles déontologiques (information, prudence, compétence, confraternité) peut conduire à des sanctions ordinales.
Côté assurance, une vérification écrite de la couverture RCP pour les injections d’AH sur le pénis est impérative. Certaines polices excluent des actes esthétiques spécifiques ou les actes hors indication; il appartient au praticien de s’en assurer avant d’introduire la pénoplastie par AH dans son offre de soins. En cas d’incident, la déclaration rapide au courtier/assureur, l’accès aux dossiers (photos avec consentement, traçabilité des lots, consentement signé, compte rendu opératoire) et la notification en matériovigilance sont essentiels pour sécuriser la prise en charge et préserver les intérêts du patient et du professionnel.
La qualité de l’indication est le meilleur levier de prévention des complications et des contentieux:
La pénoplastie par acide hyaluronique doit être réalisée dans un environnement médical répondant aux exigences d’asepsie, avec un chariot d’urgence et un protocole de gestion des complications. Bonnes pratiques clés:
Les actes de médecine esthétique sont particulièrement exposés au risque de communication inappropriée. La déontologie impose une information factuelle, équilibrée, sans promesse ni dramatisation. S’agissant d’un acte off-label:
L’augmentation pénienne par acide hyaluronique se situe à l’interface de la médecine esthétique, de l’urologie et de la sexologie. La coopération interprofessionnelle améliore l’évaluation des indications limites, la gestion des complications et l’accompagnement des patients à attentes complexes. Pour les praticiens qui souhaitent proposer cet acte, la formation continue (anatomie spécifique, choix des matériaux, prévention et gestion des complications) et la participation à des exercices de retour d’expérience sont déterminantes pour sécuriser la pratique.
La pénoplastie par acide hyaluronique illustre, de manière aiguë, les dilemmes contemporains de la médecine esthétique: répondre à une demande réelle tout en respectant strictement les exigences de sécurité, d’éthique et de droit. Parce qu’il s’agit d’un usage off-label d’un dispositif médical, la responsabilité du praticien est renforcée: indication mesurée, consentement renforcé, maîtrise technique, traçabilité exhaustive, déclaration des événements indésirables et communication exemplaire. En s’alignant sur les principes posés par les autorités sanitaires et en cultivant une pratique prudente, documentée et collaborative, les professionnels de santé libéraux peuvent réduire le risque médico-légal tout en préservant l’intérêt premier du patient.